Vente de cannabis à Dijon : le procureur refait le point

Nous vous en avons déjà parlé : deux boutiques de vente prétendument « légale » de cannabis ont été fermées ces derniers jours à Dijon, la dernière fermeture datant de ce mardi. Le procureur de la République de Dijon a souhaité faire un nouveau point ce mercredi via un communiqué.

25 juillet 2018 à 11h30 par Fabrice Aubry

K6 FM
Crédit : Photo@K6FM

Le parquet de Dijon a eu connaissance depuis plusieurs semaines de projets d’ouverture à Dijon de magasins susceptibles de vendre des produits à base de cannabis prétendument légal.

Ce que dit la Loi :

Une dépêche de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice en date du 23 juillet 2018 a rappelé, au niveau national, les règles juridiques en la matière.

Le cannabis est un stupéfiant, comme le précise l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants. Sont donc interdits la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi de cannabis comme le précise l'article R5132-86 du code de la santé publique. Cette interdiction vaut pour le cannabis, sa plante et sa résine, ainsi que pour tous les produits en découlant ou en contenant.

Ce même texte instaure une dérogation limitativement définie par l’arrêté du 22 août 1990 qui précise les conditions d'application de l'article R5132-86 du code de la santé publique, afin de permettre la culture du chanvre industriel (notamment pour l'industrie textile ou cosmétique). Cette dérogation ne concerne que certaines parties (fibres et graines), de certaines variétés de cannabis (le cannabis Sativa L) et à la condition expresse que ces plantes initiales soient très faiblement dosées en delta-9 tétrahydrocannabinol (THC).

1/ Le texte autorise l’utilisation exclusive des fibres et graines de la plante.

Les feuilles, les fleurs, l’enveloppe florale, les bractées, les sommités fleuries ou fruitées n’entrent pas dans le champ de la dérogation, et sont donc des stupéfiants.

En conséquence, le commerce de feuilles, fleurs ou têtes de plants de cannabis, quelle que soit sa variété, constitue les infractions d'acquisition, détention et cession de stupéfiants.

2/ L'article 1 de l'arrêté du 22 août 1990 précise, « au sens de l'article R. 5181 du code susvisé, sont autorisées la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) des variétés de cannabis Sativa L répondant aux critères suivants : la teneur en delta-9 tétrahydrocannabinol n'est pas supérieur à 0,20 % (...) ».

 

Ce seuil de 0,20% de THC est à l'origine d'une confusion exploitée à tort par les propriétaires de magasins de cannabis prétendument légal. En effet, si la culture du chanvre dans les strictes conditions précitées est possible, le produit fini ne peut, en tout état de cause, jamais contenir de THC, même en dessous de 0,20%.

Toute commercialisation de produits contenant du THC, même dosés à moins de 0,20%, est donc prohibée.

Le cannabidiol dit « CBD » n'est donc pas classé comme stupéfiant, seulement si 2 conditions cumulatives sont remplies :

1/ Le cannabidiol doit avoir été obtenu en respectant les termes de la dérogation prévue par l'article 1 de l'arrêté du 22 août 1990, c'est-à-dire à partir de fibres et graines de cannabis Sativa L, et pour autant que ces végétaux soient très faiblement dosés en delta-9 tétrahydrocannabinol (moins de 0,20 % de THC dans la plante initiale). C’est ce que rappelle notamment la dépêche de la DACG du 23 juillet 2018. La MILDECA avait aussi rappelé dans un communiqué du 11 juin 2018, que les e-liquides et autres produits à base de CBD sont interdits s’ils ne sont pas obtenus à partir de variétés et de partie de plantes autorisées.

2/ Les produits à base de CBD ne doivent contenir eux-mêmes aucun tétrahydrocannabinol (THC). La MILDECA le rappelle dans son communiqué du 11 juin 2018, que le taux de 0.20 % de THC permis, « n’est pas un seuil de présence de THC dans le produit fini mais dans la plante elle-même ». La DACG rappelle également ce principe. Dès lors, les produits transformés à partir de ces parties de la plante (appartenant aux variétés autorisées), spécifiquement ceux susceptibles d'être absorbés par l'organisme humain, ne doivent jamais comporter de THC, sous peine d'être qualifiés de stupéfiants.

Il est par ailleurs interdit de faire de la publicité ou de la promotion pour les stupéfiants ou pour tout produit présenté comme tel. Il est également interdit de faire de la publicité ou de la promotion pour des produits présentés comme des médicaments, lorsqu’ils n’ont pas eu d’autorisation de mise sur le marché.

L'enquête sur les activités des boutiques de vente de cannabis prétendument légal à Dijon

Au vu de ce que dit la Loi, le parquet de Dijon a sollicité, dès le 05 juillet 2018, la direction départementale de la sécurité publique de Côte d’Or pour une enquête préliminaire relative à la possible ouverture de magasins susceptibles de vendre de tels produits.

La Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice a du reste, dans sa dépêche du 23 juillet 2018 invité les parquets « sur leur ressort, à assurer la poursuite et la répression des infractions susceptibles d’être retenues avec une particulière fermeté en ce qu’elles sont de nature à porter atteinte à la santé et à causer un trouble important à l’ordre public ».

Cette enquête a permis de constater, mardi 24 juillet 2018, l’ouverture au public d’une boutique à l’enseigne « Bioconopia », 8 quai Nicolas Rollin à Dijon.

Les investigations ont permis notamment d’établir que la boutique vendait divers produits susceptibles d’être interdits. Dès lors, une perquisition a été diligentée qui a permis la saisie d’un stock de divers produits, dont de l’huile (ayant réagi au test de dépistage de présence du THC). Il s’agit donc bien de produits stupéfiants. Par ailleurs la boutique faisait la promotion des vertus thérapeutiques du cannabis.

Le gérant de la boutique a été placé en garde à vue du chef d’acquisition, détention, offre ou cession de stupéfiants, mais également exercice illégal de la profession de pharmacien, commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché, diffusion de publicité en faveur de médicaments n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché et détention, acquisition offre ou cession de plantes ou substances vénéneuses. Il a fait l’objet ce jour d’une présentation au parquet. Il s’agit d’un homme âgé de 21 ans sans antécédent judiciaire.

Le parquet de Dijon a ouvert ce jour une information judiciaire et saisi un juge d’instruction pour les infractions d’acquisition, transport, détention, offre ou cession de stupéfiants, mais aussi commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché, diffusion de publicité en faveur de médicaments n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché et détention, acquisition offre ou cession de plantes ou substances vénéneuses.

Le parquet de Dijon a sollicité le placement sous contrôle judiciaire du gérant, avec notamment l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle en lien avec les infractions et, au titre de l’article 706–33 du code de procédure pénale, la fermeture de la boutique pour une durée de 6 mois.

Le magistrat instructeur a procédé à la mise en examen conformément au réquisitoire introductif. Il a placé le gérant sous contrôle judiciaire avec interdiction de se livrer à une activité professionnelle dans le cadre de laquelle les infractions avaient été commises. Il va notifier, dans les prochaines heures, une ordonnance de fermeture du commerce pour une durée de 6 mois. 

Le parquet de Dijon diligentera systématiquement des enquêtes afin de vérifier le respect de la loi au sein des divers commerces de son ressort et, au besoin, de la faire appliquer.

Communiqué d’Eric Mathais, procureur de la République de Dijon. 




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