François Sauvadet réagi après la diffusion du reportage de Zone Interdite

Un reportage de l’émission « Zone interdite » diffusé ce dimanche soir sur M6 montre de graves dysfonctionnements dans des foyers de l’aide sociale à l’enfance, dont un situé en Côte d’Or. François Sauvadet, le président du conseil départemental, a réagi ce lundi dans un communiqué.

20 janvier 2020 à 13h10 par la rédaction

K6 FM
Crédit : Philippe Gillet/CD21

Le 1er octobre, j'ai été sollicité par Jean-Charles Doria, le réalisateur, pour répondre à une interview sur la prise en charge de l'enfance dans le département. Contrairement à ce qui a été indiqué dans l'émission, j'ai immédiatement répondu favorablement à sa demande. Au cours de cette interview, il m'a fait part de dysfonctionnements et de faits graves -s'ils sont avérés-, évoquant des faits de prostitution, des recrutements de personnels "sur un simple coup de fil" et des défaillances liées à l'entretien des locaux et à la prise en charge des enfants. Le journaliste a refusé de m'indiquer de quel établissement il s'agissait. 

Des dysfonctionnements inadmissibles ont été révélés dans cette "enquête". J'ai d'ailleurs porté ces allégations à la connaissance du Procureur de la République pour faire la lumière sur ces faits qui, pour certains d'entre eux et s'ils sont avérés, pourraient relever du pénal. Après avoir regardé l'émission et consulté mes services juridiques, j'annonce que je porterai plainte dans les prochains jours. La mission de protection de l’enfance est difficile, et elle ne peut que reposer sur une relation de confiance entre tous les partenaires responsables. Dans les faits qui sont dénoncés par le reportage, il est évident que les règles de signalement des incidents graves, exigées par le Département, n’ont pas été respectées par l'établissement.

Les missions d’inspection sont régulières. Elles ne peuvent faire face à tous les problèmes du quotidien. Dès lors qu’une difficulté grave survient, elle doit être signalée au Département pour prendre les mesures qui s'imposent.

Un mot sur les conditions du tournage

D'abord, je m'interroge sur la méthode employée. Mes services n'ont reçu aucune demande de reportage de la part de M6 dans un établissement accueillant des enfants placés. Si tel Contact presse avait été le cas, j’aurais bien évidemment donné mon accord. Comme j’ai immédiatement donné mon accord pour répondre aux questions du journaliste que j’ai reçu dans mon bureau. Il est donc faux de parler d'"omerta". Lors de l'interview, j'ai d'ailleurs proposé au journaliste de se rendre à la Maison départementale de l’enfance Simone-Veil le jour de sa visite. Il a tout d’abord accepté avant, finalement, de refuser, m'expliquant qu'il "n'avait pas le temps" ! Pourtant, j’avais donné, le jour même, la consigne de lui ouvrir les portes sans aucune réserve.

Comment a été tourné le reportage

Les deux journalistes n'ont pas été recrutées, comme elles l'indiquent, sur un "simple coup de fil". Elles ont utilisé de faux CV et de fausses lettres de motivation pour se faire embaucher et s'introduire dans un établissement géré par une association. Elles se sont fait passer auprès de la direction de l'établissement pour des éducatrices spécialisées, pour un remplacement de quelques jours sur des postes de moniteur adjoint d'animation, ouverts par l'association. Les conditions du recrutement, sur lesquelles je ne ferai aucun commentaire, ont illustré un dysfonctionnement de la part de la direction de cet établissement qui n'a pas respecté les règles de vérification imposées par le Département. J'ai demandé que des sanctions soient prises dans l'établissement face à cette situation. Le journaliste qui m'a interviewé a refusé de me donner le nom de l'établissement concerné. Le réalisateur et M6 ont également refusé tout visionnage de l'émission avant sa diffusion. Je n'ai donc découvert les images qu'hier soir.

Je rappelle également que cette interview du 1er octobre dernier a duré plus d’une heure et que pas une seule seconde de l'émission n'est consacrée aux nombreux dispositifs mis en place par le Département de la Côte-d’Or pour assurer la protection des 3.000 jeunes suivis. Il reste que les faits, tels qu'ils sont rapportés, sont graves et témoignent de situations inacceptables. Ils concernent la Maison d'enfants à caractère social (MECS), à Dijon, gérée par l'Association "Les PEP CBFC", qui accueille 40 enfants placés par décision administrative départementale ou par décision du juge des enfants.

Quelles décisions ont été prises ?

Passé ma surprise et ma colère face aux faits signalés, j’ai décidé le jour même de l'interview, le 1er octobre, de mandater une mission d'inspection du Département. Elle est intervenue le lendemain, le 2 octobre, à la Maison d'enfants à caractère social de Dijon, gérée par les PEP CBFC. Cette mission d'inspection a notamment mis en lumière des problèmes d'hygiène et d'entretien dans les espaces communs et les chambres, une problématique d'insuffisante sécurisation du bâtiment ainsi qu'un protocole de signalement des fugues connu mais pas respecté.

Le 2 octobre, j'ai demandé par mél adressé à la direction de l'association concernée de me fournir toutes les explications sur cette situation.

Le 7 octobre, j'ai demandé aux dirigeants des PEP BFC de répondre, sous huit jours, avec précision aux injonctions du Département en ce qui concerne la propreté des locaux et la sécurité des jeunes.

Le 15 octobre, une seconde visite a eu lieu et elle a permis : - de constater une amélioration relative (propreté, rangement). - De formuler deux nouvelles injonctions et quinze préconisations, assorties d'un calendrier de réalisation précis.

Le 2 janvier, les dirigeants des PEP CBFC m'ont écrit avoir engagé les démarches pour répondre à toutes mes demandes.

Le Parquet est saisi

J'ai eu connaissance partielle du contenu du reportage le jeudi 9 janvier, le lendemain de sa diffusion à l'Assemblée nationale -diffusion à laquelle je n'ai pas été convié-. Dès lors, j’ai pris une nouvelle série de mesures :

Le 10 janvier, j'ai saisi le Procureur de la République des faits présumés de prostitution et de présence de stupéfiants et lui ai demandé, au nom du Département, d'enquêter sur la réalité des faits qui pourraient constituer une infraction pénale. Je précise que les deux jeunes filles concernées par le reportage ont été retirées de la MECS en mai 2019 pour l'une, en octobre 2019 pour la seconde, en lien avec le juge des enfants, pour d'autres prises en charge.

- Le 10 janvier, j'ai demandé à l'association, qui avait déjà procédé à un changement de direction, de prendre toutes les mesures nécessaires, et notamment des sanctions à l'égard des personnels fautifs. Le directeur général de l'Association Les PEP CBFC m'a affirmé qu'une grande partie des personnels de la MECS ont été remplacés depuis le début de l'année 2019.

- Une nouvelle mission d'inspection a été diligentée le samedi 11 janvier. Elle a permis de constater certaines améliorations et une injonction réitérée a été adressée par le Département à l'association.

- Le 14 janvier, j'ai reçu personnellement le Président et le Directeur général de l'association des PEP CBFC pour leur rappeler leurs devoirs. Je les ai avertis que je n'hésiterai pas à suspendre leur autorisation d'accueillir des enfants en cas de nouveaux manquements. Les dirigeants de l'association ont reconnu des défaillances graves dans la supervision du fonctionnement de la MECS et se sont engagés à respecter les protocoles.

Et maintenant ? 

Evidemment, des missions d'inspection seront poursuivies de façon aléatoire et inopinée dans tous les établissements de la Côte-d'Or. Il faut savoir que nous protégeons en moyenne 3.000 enfants et jeunes dans le département, dont 1.358 sont actuellement retirés de leur famille, soit sur décision administrative du Département avec l'accord de leurs parents, soit sur décision du juge des enfants.

Sur ces 1.358 enfants :

- 734 sont confiés à des familles d'accueil réparties sur tout le territoire. Elles sont toutes formées et diplômées, et nous avons avec elles des réunions fréquentes d'échanges d'informations et de sensibilisation. Des travailleurs sociaux sont chargés de suivre les enfants dans ces familles d'accueil. - 560 sont placés dans dix établissements autorisés par le Département, dont la gestion est assurée par cinq associations et une commune. - Enfin, nos services accueillent directement 54 enfants à la Maison de l'enfance SimoneVeil pour des situations d'urgence. Il ne faudrait donc pas qu'une situation, aussi grave soit-elle, jette l’opprobre sur tous les établissements et services qui accueillent, dans leur très grande majorité, dignement les enfants qui nous sont confiés. Nous sommes confrontés, de plus en plus, à des situations de très grande violence, parfois de jeunes de moins de 13 ans, pour lesquels aucune sanction pénale ne peut être prononcée en raison de leur âge. Ces violences relèvent, pour certaines d'entre elles, de situations psychiatriques et nous manquons de réponses au niveau des hôpitaux, en pédopsychiatrie, pour ces jeunes. Cela relève de la responsabilité de l'Agence régionale de santé et, donc, de l'Etat. J'ai d'ailleurs saisi le Procureur de douze cas pour des faits de violence grave survenus à la Maison départementale de l'enfance Simone-Veil. Récemment, à la suite des faits de violence d'un jeune de 13 ans à la Maison départementale de l'enfance, qui a conduit l'une de nos éducatrices spécialisées aux urgences du Centre hospitalier universitaire, j'ai dû requérir le Procureur de la République pour obtenir un placement en unité pédopsychiatrique. Il y a un manque réel de réponses adaptées à de tels cas.

Au niveau de l'Assemblée des Départements de France, j'ai demandé, avec mes collègues Présidents de Département, lundi 13 janvier, la création d'un groupe de travail sur le sujet des relations entre l'Etat, les Départements et les associations du champ social qui accueillent des enfants. Une réunion de travail spécifique sera organisée avec les services de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) pour les jeunes relevant de sa responsabilité. Les associations employeurs doivent par ailleurs s'assurer du respect des procédures posées par les Départements par chacun de leurs salariés.

Mercredi 15 janvier, je me suis entretenu longuement avec Adrien TAQUET, secrétaire d'Etat en charge de la Protection de l'enfance. Je lui ai proposé qu'on travaille ensemble, Etat (notamment la PJJ), élus départementaux et associations, à la définition d'une charte éthique qui s'imposerait à l'ensemble des acteurs du secteur de l'enfance.

Ce lundi 20 janvier, compte tenu des images et des propos diffusés dans le reportage hier soir, j'ai déposé plainte auprès du Procureur de la République de Dijon pour faits de prostitution et présence de stupéfiants.

Communiqué 




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